2021/09 Récit : Le Grand Trail de Serre Ponçon

Col de Chorges 2300m : « Les gars ! François D’Haene vient de passer, il est parti au sommet du Piolit, foncez !! Vous aurez peut-être une chance de le voir !! » Avec Jimmy nous sommes cuits, rincés, on vient de se taper 1500m de D+, nous sommes au km120, mais l’occasion est trop belle, rencontrer le « patron » de l’ultra trail mondial…il reste 150m de D+ pour atteindre le sommet du Piolit, Jimmy chancelle sur les grosses caillasses, pas grave on fonce… Au sommet, l’ambiance est dingue, un clown déjanté nous accueille, François est là, cool et classe, abordable, la marque des grands, on a notre moment à nous, notre photo, on peut repartir finir le boulot la tête dans les étoiles comme des gamins de 10 ans 🤩…

Jeudi 16 septembre 2021, veille de course, nous avons établi notre camp de base au camping municipal d’Embrun, à 50 m du plan d’eau et 300m du départ (top adresse). On fait la connaissance de traileurs venus des 4 coins de l’hexagone, l’ambiance est bonne. Jean-Michel Faure Vincent, organisateur de la course et coach de François D’Haene gare son van juste à côté, simplicité d’un sport qui j’espère le restera.

On discute et on se rend service entre équipes. Hasard du jour, un traileur nous demande des épingles pour son dossard, c’est Adrien Barbier, ancien de Cotentrail, qui vit désormais dans les Alpes, excellent 😀.

Avec Jimmy nous formons l’équipe des Haguetrotters, ce trail a la particularité de se courir en équipe de 2 ou 3, la course doit se faire entièrement ensemble sous peine de disqualification. Nous sommes impatients de retrouver les sensations que nous avions connu sur l’UTMB 2019. L’autre particularité est que l’orga nous impose une certaine autonomie, 4 ravitos solides sur les 177km, quelques points d’eau, équipement obligatoire minimal, moi j’aime bien ce concept, du moment qu’on le sait avant. Le soir venu, après avoir récupéré les dossards et assisté au briefing (alerte météo pour la 2ième nuit), nous décompressons autour d’une petite bière bien fraiche 😋. Place au dodo, serein pour une fois, départ vendredi à 10h.

Embrun >> Le Lauzet Base de vie N°1 : 52.5km 3320D+

Vendredi 17 septembre, 09h58, le soleil est radieux, Ugo Ferrari chauffe l’ambiance sur l’estrade, la musique « Bella Ciao » résonne dans Embrun, c’est festif, Goooo !!! On peut enfin lâcher les chevaux… 4 à 5 km de plat le long de l’eau permettent de dégourdir les papattes, le public est présent c’est cool…

La première difficulté de la journée : le Pic du Morgon 2324m, se dresse fièrement au dessus de nous (2050m environ de montée), une récompense nous attend en haut, une vue panoramique sur la star du jour : le Lac de Serre Ponçon. La montée se décompose en 2 parties, une première dans les bois et une seconde, magnifique, dans des paysages très alpins. Sur ce début de course, j’ai des jambes et un souffle de feu, je monte très facilement, Jimmy derrière est légèrement en surrégime. Mais pas d’inquiétude, notre leitmotiv est clair, le temps final se fera sur les temps faibles de chacun, la force de notre équipe sera la confiance l’un envers l’autre. Nous avons assez d’expérience pour savoir que ça va tourner, je répète à Jimmy, monte à ton rythme dans 100 bornes c’est toi qui me trainera. Ce genre d’épreuves peut sceller une amitié ou l’émietter, nous on a fait notre choix 💪💪.

Km21, dans le cirque de Morgon avant d’atteindre le sommet, 2 gars jouent de l’accordéon sur un rocher, c’est génial, merci à eux !!

Beaucoup d’images sur ce début de course, mais la vue est splendide !! Le Pic est dégagé, des passages sur la crête sont assez techniques, toujours en forme je suis en mode reportage photos 📸😍… Arrivé en haut une banane et ça repart !!!

On attaque la descente vers Pierre Arnoux, premier point d’eau au km31 !! Nous avons fait le choix de partir avec 2.5 litres chacun, à chaque fois nous arrivons avec une marge de 0.5l, surtout ne pas sous-estimer cette donnée. Une fois passé le ravito liquide (avec de la Saint-Yorre, génial !!), nous continuons avec comme objectif la 1ère base de vie à Le Lauzet-Ubaye (km52). Jimmy se fait une entorse, première alerte, la descente qui fait environ 15km est clairement la plus dure de la course car sans cesse avec des relances. On arrive en bas bien esquintés, pour boucler les 5 derniers km avant la base de vie, on joue au jeu « à partir du poteau on court jusqu’à l’arbre là-bas », je laisse Jimmy piloter, ça fonctionne super bien on double des concurrents.

Le Lauzet >> Apiland Base de vie N°2 : 38.6km 2096D+(cumulé : 91.1km 5416 D+)

Enfin le premier ravito, au bout d’environ 9h00 d’effort je vous laisse imaginer !!! Nous sommes 5 min en avance sur notre prévision, parfait !! On décide d’optimiser nos ravitos avec des routines pré-programmées : remplissage de gourdes, frontales, soupes avec changement de chaussettes si nécessaire et décollage immédiat. Je m’alimente super bien, tout passe, charcut’, fromage, cacahuète, banane, soupe…Jimmy opte pour le « service emporté » il mange en partant du ravito, le temps que l’on relance la machine. Je demande le prochain point d’eau au coureur à côté de moi : « 20 km -> mais vous êtes Michel Poletti !? -> oui -> Enchanté 😄 » Excellent !!! Petit remarque au ravito : pas assez de choses à emmener style pompotte ou barre, vu l’espacement des bases.

C’est parti pour le 2ième colosse de la journée, plutôt de la nuit, direction le sommet du Dormillouse à 2464m (1624m de D+). On sort du ravito, et attaquons directement dans les bois, on double un concurrent en piteuse état avec envie de vomir, on retrouve ses 2 collègues un peu plus loin, une décision d’équipe s’impose… La nuit tombe pour environ une durée de 10heures, Jimmy attaque en mode bulldozer, la tête dans les bâtons sans jamais se relever, je commence à moins faire le malin et je me cale derrière lui en serrant les dents, bordel j’ai trop bouffé 🥵…. Pour le connaître je sais que c’est son point fort, les montées, moi c’est plutôt les descentes techniques, c’est le moment de prier, je me sens légèrement friable du côté mental, j’aime pas la nuit… On arrive en haut comme on peut, punaise encore 4 morceaux comme ça avant de pouvoir espérer boire une bière, c’est horrible 🤔😰. En haut c’est la cour des miracles d’un côté un pauvre traileur qui vomi, de l’autre une équipe qui cherche son 3ième « François !! François !! », On décide de pas trainer et d’attaquer la descente, 300m plus bas on entend encore les gars appeler leur pote, c’est pas drôle mais ça nous fait marrer…

C’est parti pour une descente de 27 bornes dont je ne me souviens pas du tout, de toute façon de nuit, y a pas grand chose à voir… Par contre grosse alerte quand Jimmy se tord la cheville violemment, à sa demande je le relève aussitôt, il boite comme un animal blessé, et prend la décision de retirer ses semelles ortho qui le mettent en danger, bonne décision nous ne serons plus ennuyés de ce côté là !! La bonne surprise par contre c’est que le point d’eau au km72 nous annonce le ravito solide avant le 3ième sommet, chose que nous avions complètement zappé, ça nous donne une grosse motivation. Les 15 derniers km avant la base sont assez roulants, ça fait du bien. Arrive la base de vie d’Apiland (site destiné à l’apiculture, environ 250 ruches 🐝) avec la récupération de nos sacs d’allégement, promesse de retrouver des Mars, pompottes et lingettes pour se débarbouiller. Toujours dans un soucis d’efficacité, nous répétons notre routine, il faut par contre bien penser à charger les sacs pour la seconde nuit (couche chaude et piles pour les lampes). Le lieu est très agréable mais nous ne trainons pas. Nous sommes environ à mi course côté km, par contre pas côté D+ 😭… Il est 4h00 du mat’

Apiland >> Ancelle Base de vie N°3 : 42.3km 3150D+ (cumulé : 133.4km 8566 D+)

Ah le Mont Colombis !! c’est le plus petit des 6 sommets 1723m (1146m de D+), c’est celui qui me marquera au fer rouge, une première partie en lacet, une seconde droit dans le pentu !! Au 3/4, alors que nous menons un peloton de 6/7 coureurs, je mets le clignotant (2min) sous peine d’exploser… 2 choses : la 1ère j’aime pas être dans le dur et avoir des traileurs derrière moi (on les reprendra après), la 2ième j’ai mis ma montre à recharger dans mon sac, ce qui m’empêche de me guider à l’altimètre, chose dont j’ai du mal à me passer. On arrive enfin en haut, je suis content car j’ai tenu et la promesse du levé de soleil nous redonne plein d’énergie, on enchaine, c’est reparti pour une descente vers Chorges.

L’arrivée du jour avec la danse des nuages dans les vallées et au dessus du lac, c’est inoubliable et somptueux… Au ravitaillement de Chorges km109, Jimmy en profite pour se faire soigner les orteils, ba oui sans semelle ça tape un peu plus 😯. Il n’y pas grand monde, on est bien et pas fatigués, on repart après avoir rechargé en eau car un monstre nous attend, le Piolit et ses 1600m de D+ d’une traite. Une rumeur circule et, magie des nouvelles technologies, je vérifie sur facebook : les conditions météos vont se détériorer sérieusement dans la 2ième nuit avec coup de vent et neige annoncés, l’orga pose une barrière horaire au pied du Mont Guillaume (denier géant de la course) il faut y être avant 22h sinon parcours de repli par le GR (autant de km mais un sommet amputé de 1000m environ). Trop tôt pour savoir si on y sera, on verra bien même si cette info perturbe un peu notre plan.

Avec le jour, je retrouve des forces et la montée se passe mieux. Quelques nuages nous gratifient d’une ombre bienvenue, j’entend des patous mais ne les vois pas tant mieux 😬. Nous sommes seuls au monde jusqu’en haut, le final de cette ascension vous la connaissez avec la rencontre magique du quadruple vainqueur de l’UTMB au sommet. C’est parti pour la descente vers Ancelle, 3ième base de vie prévue au km133, nous sentons que nous sommes dans un bon jour, d’ailleurs nous arrivons à Ancelle avec 2h sur notre prévision (basée sur nos temps UTMB) et 11h sur la barrière horaire. Arrivés sur place nous retrouvons toujours les mêmes têtes (traileurs et accompagnants), c’est sympa. Nous avons passé le Piolit plus vite que prévu et l’idée de finir la course en entier en passant par le Mont Guillaume nous turlupine !! On décide d’enchainer et on repart pour l’avant dernier sommet en avance par rapport aux autres traileurs de la base, bien nous en a pris, ils ne nous rattraperons jamais à mon grand étonnement. On repart tellement vite que j’en oublie mes dragonnes et un buff, quel c.. 🥴 qu’est ce que je peux m’énerver grrr!!

Ancelle >> Reallon Base de vie N°4 : 17.3km 1110D+ (cumulé : 150.7km 9676 D+)

Cette montée se fera en mode « on lâche rien », nous avons décidé de taper dedans, nous apercevons derrière nous quelques concurrents qui nous ont en ligne de mire. Arrivé au col je suis pas au top, les bénévoles nous proposent un shooter de Génépi, je peux pas, Jimmy se sacrifie, merci 😄. J’étais fracassé en haut et pourtant je réalise une grosse descente, durant toute la course, on aura bien descendu et repris sur nos concurrents direct, preuve qu’on en gardait sous la semelle lors des montées, tactique à reproduire 💡.

Le contre la montre est lancé, nous décidons de tout donner pour passer la barrière, on ne calcule plus, on se met dans le rouge, bref pas très malin mais courageux 😅. Après quelques égarements nous arrivons à la fameuse 4ième base de vie à 19h07, et là coup de théâtre (pour nous, à la lecture c’est beaucoup moins dramatique), on nous annonce que la barrière est descendue à 17h au lieu de 22h, seules quelques équipes sont passées… Déçus mais aussi lucides sur le reste à faire, on aura donné le maximum. Nous discutons avec Catherine Poletti qui attend patiemment son mari, on rigole et elle ne veut pas laisser partir Jimmy sans qu’il ait pris une soupe, il est bicolore du visage : rouge à l’extérieur et blanc au milieu, il obéit sans broncher 😂😂…

Reallon >> Embrun : 22.8km 545D+ (173.5km 10221D+)

Reste « seulement » 22km et 500m de D+, pour finir en beauté, ça sera dans le dur mais à deux on s’accroche et on s’encourage, on est content de notre perf pour notre niveau. Le GR est interminable, et arrivé en bas de la descente, sur le goudron d’Embrun, j’aperçois derrière nous 2 frontales, merde ça serait con de se faire doubler maintenant à 1500m de l’arrivée, on donne tout, on a l’impression d’être à 15km/h (en réalité on est à 10 😅…), on tient jusqu’à la ligne, quel partage d’émotions, exceptionnel, frissons garantis !!! 34ième équipe en 38h05 pour 174km et 10200m, contrat rempli 💪💪

Voila mon10ième Ultra au dessus de 100 bornes, un sacré morceau, très bien organisé (bien vu pour la météo, la tempête à 4h00 du matin a était violente), très bien balisé, dans un cadre magnifique. Merci à toi Jimmy, partenaire idéal, quand tu veux pour remettre ça !! Merci à Lucie, Sophie, les filles et les copains pour les soutiens sur whatsapp et à bientôt pour de nouvelles aventures…

2 commentaires sur “2021/09 Récit : Le Grand Trail de Serre Ponçon

Ajouter un commentaire

  1. Merci 20/20 pr ce super récit… Encore 1 fois… Ma meilleure lecture du soir… Et de loin ! Bravo les gars… Super épopée… Inhumain… Pour moi… Mais genial….!

    Ps: putain 20/20… Qd c est pas les bâtons… C est les dragonnes.. Roh le c….. 😂😂

    J’aime

Répondre à Vx slip Annuler la réponse.

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑