
10, 9, 8, 7…7h59 vendredi 2 Octobre, Hells Bells d’AC/DC ⚡️ à fond dans la sono, cela fait des mois que j’espère vivre ce moment en 2020, prendre le départ d’un ULTRA !! Et ce n’est qu’à ce moment où je réalise l’épreuve qui m’attend vraiment 😱… La crise sanitaire a complètement annihilé mon appréhension de la tâche à venir, car je n’y croyais vraiment pas jusqu’à cet instant. La preuve en est, le directeur de course nous apprend qu’ils n’ont reçu l’autorisation définitive que la veille du départ !! Big up énorme aux organisateurs qui ont su tenir contre vents et marées (expression normande 😂). A mes côtés, François et Vincent, engagés dans la même aventure ou galère selon les sensibilités de chacun. 6, 5, 4…un dernier coup d’œil à Sophie, ma petite chérie 🥰 mais surtout ma fidèle assistante sur cet ultra qui va se révéler salvatrice dans la réussite de cet objectif. 3, 2, 1 GOOOO !!! C’est parti pour 180 kilomètres à travers les montagnes du Jura.



Lancrans (départ) – Bellecombe = 36,6km / 2378m D+

Nous sommes 221 coureurs au départ, il fait sec et frais (ça va pas durer 😭). J’enlève le masque dès que Vincent me signale qu’un panneau nous l’autorise. Nous attaquons d’entrée par une patate de 1200 m de D+. Pour avoir étudié le profil il y a 2 grosses montées sèches successives, donc faut surtout pas se cramer !! Dès les premiers mètres je sens ma douleur au tendon gauche (au talon exactement) qui me titille… Ok je comprends que je vais souffrir mais je décide d’occulter cette douleur quitte à me blesser, je sais ce n’est pas très intelligent mais sinon j’arrête tout de suite, trop de chance d’être là je vais pas commencer à me plaindre…

Je monte avec mes bâtons « au train » dans la file de coureurs qui se délie très vite, j’ai François en ligne de mire, Vincent est derrière. C’est boisé, pas trop abrupt, je me sens bien. Le sommet, le crêt de la Goutte (tous les sommets sont nommés crêt, certainement un patois local ?) arrive assez vite quand on est frais (ça non plus ça va pas durer…). Les conditions météos commencent à changer, le froid, le vent et le brouillard nous saisissent littéralement en haut, je remets vite ma veste enlevée lors de la montée et remonte le buff au dessus des oreilles, il y a de la neige par endroit. Un coureur local me dit que la vue est normalement somptueuse sur Genève et le Mont Blanc, ça sera pour une autre fois 🧐…

J’attaque la descente, caillouteuse puis herbeuse par une piste de ski, avec l’envie de retrouver Sophie au ravito de la station de Menthière même si je ne prévois pas de m’arrêter longtemps. J’ai pour la première fois prévu un planning pour essayer d’aiguiller au mieux mon assistante préférée, la prévision est un arrêt de 10min aux ravitos solides 🍔🍟, 5min aux liquides 🍺 heu plutôt 🥛et 40 min aux 2 bases de vie avec comme objectif 37h30 au total. Un bout de morbier avalé et c’est reparti avec François vers le bas de la vallée, à Chézery où nous avons passé notre nuit au camping à la veille de la course (un bon point de chute si vous voulez prendre le départ l’année prochaine). Arrêt éclair pour recharger en eau (St Yorre présent sur toute la course, juste énorme), Vincent est à 20min derrière.


C’est reparti pour la montée la plus pentue de la course, 1000m « drêt dans le pentu » vers le crêt de Chalam. Je laisse François partir devant , il est plus costaud, faut pas que je m’emballe. Je connais cette montée pour l’avoir faite 3 fois cet été, la seconde partie boisée est très sélective. Je double du monde, je me sens bien dans les montées, ça sera le cas sur toute la course. La prépa dans les Alpes et l’Ain au mois d’Août paye 💪. L’orga nous fait monter jusqu’au sommet puis redescendre par un petit aller retour pour se faire « bipper » au livetrail.

Je suis satisfait car je viens de faire 1/3 du D+ prévu à la course, vaut mieux l’avoir au début qu’à la fin…S’ensuit la descente vers la Borne au Lion (haut lieu de la résistance française), je ressens une douleur au genou gauche, au fascia lata précisément, c’est malin j’ai une genouillère au genou droit grrr (note pour plus tard, acheter la genouillère gauche Zamst, top pour ce problème 👍). Au ravito je décide de changer de t-shirt car j’ai froid, je m’aperçois de 2 choses sur cette course : premièrement je suis frileux 🥶, plus à l’aise sur les sentiers Corse l’été, deuxièmement, je n’adopte pas la bonne stratégie car il faut s’arrêter le moins possible sinon c’est le début de l’hypothermie.

Nous repartons avec François direction Bellecombe pour une portion assez roulante. Je décide de ne pas le suivre car il trotte au dessus de ma vitesse de croisière, c’est la dernière fois que je le verrai avant l’arrivée. Le fait notoire de cette étape est l’arrivée de la pluie 🌧🌧🌧 qui ne va plus nous quitter durant les 22 prochaines heures !!! Des trombes d’eau vont s’abattre sur le parcours, c’est sans conteste le tournant de cette course qui va devenir un véritable « survival » :

…

Bellecombe – Chapelle les Bois = 68km / 2260m D+ (104.7km / 4638m)

Lajoux au 50ième km marque une étape importante car une barrière horaire assez serrée y figure. Je suis soulagé d’y arriver à 15h30 avec une avance de 2h sur la barrière et 1h sur mon plan. Je suis trempé comme une souche, le ravito est petit, heureusement, Sophie m’a réservé en face un bas de porte où je peux me changer tranquillement. Je suis transi de froid, ma veste de pluie est autant mouillée à l’intérieur qu’à l’extérieur 😭. L’assistance commence à entrer en jeu, elle me propose une nouvelle veste de pluie avec par dessus un vieux K-Way décathlon premier prix. Je ne mets pas pour l’instant mon pantalon ni mes gants imperméables, ce que je regrette aussitôt en repartant tellement mon corps tressaille par le froid. Mais mes pensées sont déjà focalisées sur la nuit de 12h que je m’apprête à vivre.

Direction Les Rousses… Une chose étrange se passe, dès mon départ de Lajoux mon short se met à mousser sur mes cuisses 😳 !! La raison est qu’il doit rester de la lessive et donc je passe 20km à mousser des jambes, un vrai Bubble Man 🧼 !! J’ai beau m’évertuer à l’enlever, cela revient tout de suite, j’hallucine et autant vous dire que j’ai vraiment l’air stupide 😂😂😂….J’arrive aux Rousses avant la nuit, première base de vie au 70ième km synonyme de chaleur, de plats chauds, de changement de chaussettes, ça me motive à fond, physiquement je suis frais. Je retrouve Sophie qui joue parfaitement son rôle d’assistante (de luxe 😍 ), elle remplit mes gourdes (St Yorre à gauche, Nutraperf à droite), va me chercher un plat chaud, purée/jambon proposé par l’orga dans des plateaux repas, c’est top !!

Moi pendant ce temps je me change complétement, me « nok » les pieds et tout ce qui s’irrite 😂. L’arrêt est plus long que prévu de 10min mais le bonhomme n’a pas vraiment envie de repartir dans la nuit noire et obscure (# les inconnus) sous les trombes d’eau et probablement seul….Une dernière vérification des lampes frontales, la mise en place du poncho (1er prix décath) et c’est parti pour le combat mental !!

Les sensations sont complètements différentes, le faisceau de la frontale m’éblouit à cause du rideau de pluie, je n’y vois rien, la pluie enlève tout le plaisir que je recherche en ultra. Les 16 km qui vont suivre seront très éprouvants de part la nature du terrain gras et technique. Je traverse les gorges de la Chaille (c’est certainement beau mais je ne vois rien) mais je commets l’erreur de mal fermer ma fermeture du poncho. L’eau s’infiltre très vite à l’intérieur, la veste de pluie ne fait pas longtemps illusion, cette étape me paraitra interminable et m’a détruit moralement.
Je tiens le coups, mais je suis à la limite de l’abandon. J’arrive à Morez avec une seule envie, me plaindre comme un enfant auprès de ma femme, pas très glorieux tout ça. Arrive Morez donc, je suis prêt à déverser mes larmes sur une âme charitable, j’arrive au ravito, je cherche le van, ne vois rien !? J’appelle Sophie, qui m’apprend qu’elle attend sagement au ravito de Bellefontaine 9 km plus loin avec une grosse montée entre les 2 😨 !! Erreur de roadbook, auprès de qui je vais pleurer moi 😭😂 !? Mais je n’ai pas le temps de m’apitoyer sur mon sort car elle m’apprend dans la foulée que Vincent s’est blessé au genou après Les Rousses, merde c’est fini pour lui. Elle doit aller le récupérer, ça a au moins le mérite de me rebooster, de quoi je me plains je ne suis pas blessé… Je repars en mode guerrier vers Bellefontaine après que le bénévole me dise » je serais vous je n’irais pas tout seul » super, moi qui suis courageux mais pas très téméraire, ça a le don de bien me faire flipper… Preuve en est, je suis en train de monter une belle côte, la lumière dans les pieds, je lève la tête et tombe nez à nez avec un gros blaireau, mon cri (très féminin) a eu raison de le faire fuir, j’ai le palpitant à 180….

J’arrive à Bellefontaine où je retrouve Vincent avec un genou en moins, dommage pour lui car il avait de bonnes sensations, ça sera pour la prochaine 😉 j’en suis sûr. Je ne m’attarde pas car l’hypothermie me guette.
Nous rentrons dans le Doubs, une partie engagée avec la montée des Roches Bernard et Champion, direction Chapelle des Bois où paraît-il il y a un ravito couvert… Cette dernière info récupérée près d’un bénévole n’est pas anodine car arrivé sur place il n’y a pas de ravito couvert et c’est alors un drame psychologique qui se joue dans ma caboche… En effet j’arrive à un ravito en plein courant d’air au pied d’une piste, je suis effondré et congelé, mes gants étanches sont des éponges, Sophie le voit à mon expression. Heureusement, elle et Vincent me réconfortent et une phrase va me faire tilt : « prochain ravito à Mouthe, il fera jour et la météo prévoit l’arrêt de la pluie » !! Je m’enquiers de nouvelles de François, il est super bien placé au classement, il est fort 💪, c’est chouette, ça me motive encore plus !! Je repars motivé mais en oubliant mon portable, au bout de 800m j’entends Sophie qui me court après dans la nuit pour me l’apporter 🤤🥰…
Chapelle les Bois – Metabief = 65km / 2160m D+ (170km / 6800m)

Je suis seul depuis les Rousses, ça ne me dérange pas, du coup lorsque j’entre dans les espaces naturels avec comme recommandations : « Ne faites pas de bruit la nature vous écoute » et la photo d’un lynx🐆, je change de dimension. Il neige, le bruit de la pluie a cessé et j’entends dans la nuit le bruit des animaux sauvages, je crois reconnaître des cris, mon aventure prend tout son sens dans ces moments de plénitude avec la nature ❤️…
Avant Mouthe, une étape magique a lieu à Chaux Neuve, lieu emblématique des coupes du monde de combiné nordique avec son sautoir géant. L’orga nous fait arriver en haut du sautoir, il faut descendre les 600 ou 700 marches enneigées et givrées ❄ !! Des gros spots sont allumés en bas, sensation de vertige et vision apocalyptique, j’adore ce passage !!! De plus le ravito au pied du tremplin est tenu par des gens fantastiques qui s’occupent de moi aux p’tits oignons, gants réchauffés, thé ☕, mains placées sur la théière…Mon meilleur ravito du parcours, un grand merci 👏. On m’annonce une hécatombe, 60% d’abandons, cette première édition restera dans les mémoires c’est sûr, raison de plus pour la finir…


Je repars direction Mouthe, à 60km de l’arrivée, je sais à présent que je vais finir sauf grosse blessure. Le jour se lève, la pluie s’arrête, bordel que c’est bon….J’arrive à Mouthe où je retrouve Sophie, je me goinfre d’un super pâté avec du pain de campagne, je revis….J’attaque l’ascension vers le Mont D’or mais la première partie je ne m’en rappelle pas, à vrai dire je fais des micros siestes en avançant, il fait frais mais beau, quel bonheur… Au ravito Granges Raguin, situé au milieu de la montée du Mont D’Or, on m’annonce une nouvelle qui retient mon attention ⚠ » les 2 dernières ascensions ne se feront pas comme prévues à cause de la neige et du vent, trop dangereux, parcours de repli » … Je reste très prudent quant à cette annonce. J’attaque le Mont d’Or gonflé à bloc, c’est super joli, plus on monte dans les alpages plus il y a de la neige et des troupeaux de vaches qui broutent paisiblement.


J’arrive au sommet sans encombre et attaque aussitôt la descente sur une piste de ski vertigineuse 🎿 je me demande comment les skieurs arrivent à appréhender ce mur….Arrivé en bas mes quadris sont fusillés. Mais peu importe car d’ici peu je serai à la seconde base de vie de Jougne avec Sophie mais aussi mon pote Benoît accompagné de sa petite tribu Magda et Pablo ❤️❤️❤️ ça me fait chaud à mon petit cœur d’artichaut.


Un riz bolognaise avalé, on me confirme à la base de vie, parcours de repli : 13km et 900m de dénivellé amputé sur les 35 derniers km, ça sent vraiment bon l’écurie !! Cependant en repartant de Jougne après un bel arrêt j’ai une désagréable surprise, je peux à peine courir, une douleur vive sur le dessus du pied me saisit (entre le gros orteil et la malléole), cela me titillait depuis un moment mais la pause a accentué la douleur, les 23 derniers kilos vont être exquis grrr…. ça m’embête car je vais perdre énormément de temps alors que je suis bien physiquement mais ça fait partie du jeu…



Je sers les dents pour finir correctement cette course, que c’est bon d’entendre au loin la sono de l’arrivée, comme d’habitude j’ai une pensée pour mon papa à ce moment, c’est très fort comme introspection, je vous le conseille à tous 😉… Après un dernier petit « coup de cul », j’attaque la descente vers l’arrivée, je retrouve Sophie, Vincent et François, c’est fait !! J’ai traversé en courant les montagnes du Jura !! 34h44 (+3h ajoutées par l’orga pour la fin amputée) soit 37h44 et une belle place 30/221 coureurs au départ. Nous ne sommes que 64 à franchir cette ligne, une boucherie, 71% d’abandons signe d’un parcours exigeant et de conditions dantesques, le Jura ne s’offre pas à toi, il faut aller le chercher… Preuve que ce trail de moyennes montagnes ne doit pas être abordé à la légère. François réalise une performance incroyable, 12ième en un peu plus de 33 heures, grosses félicitations 👏👏👏, tu es un véritable champion 💪, respect. J’ai appris beaucoup à l’entrainement avec toi et Vincent, merci les gars. Un beau sweat finisher et direction la bière du guerrier 🍺😋.


Les organisateurs ont fait preuve d’une abnégation hors norme pour réaliser leur projet, franchement par les temps qui courent vous êtes des champions !!! Les bénévoles ont été adorables et attentionnés, merci à vous. Le balisage est sans faille, les ravitos sont nombreux et très bien achalandés (retrouvez tous ces détails dans la fiche course), et la réactivité pour la mise en place des parcours de replis est tout bonnement parfaite. Mon seul regret est de ne pas avoir fait le parcours initial (sommets du Jura et passage dans le vaudois Suisse) et d’avoir manqué les superbes paysages faute à une météo exécrable. Si vous cherchez un trail, familial mais professionnel, de moyennes montagnes mais très engagé tout de même, avec un terroir fort et une région fantastique, l’UTMJ est fait pour vous. Cette course s’inscrit à coup sûr dans le paysage français et européen des Ultras, longue vie à l’UTMJ !!!
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