2019/08 Récit : UTMB 2019 l’aventure intérieure

Quelle aventure les amis !! L’UTMB est l’un des moments forts de ma vie, comment une simple course à pieds peut créer une telle explosion d’émotions ??

Janvier 2019, nous sommes seulement 2 « Manchots » à être retenus au fameux tirage au sort. Avec Jimmy on se connaissait peu, on s’était croisé justement sur la TDS 2017, un signe peut-être !? Pourtant dimanche après-midi 1 septembre, sur la place du triangle de l’Amitié, nous nous sommes quittés après une accolade digne de deux frères…

Le tour du Mont Blanc par l’Italie, la Suisse et la France

M-8 : LA PREPARATION

La préparation de cet UTMB fut correcte avec 3 courses réalisées en 2019 (Le Dernier Homme Debout, Le Grand Raid du Ventoux, La Restonica). Le plus gros challenge pour moi fut mon passage en drop zéro au mois de Mars. Je peux dire maintenant que mon pari est réussi, merci à mon kiné et à Altra. Une question tourne dans ma tête: quelle charge ou volume d’entrainement prévoir pour réussir ce défi ?? Avec l’expérience je choisis l’option « arriver moins entrainé mais frais et non blessé », mon objectif premier est de boucler ce tour du Mont Blanc et non de performer, si je peux combiner les 2 c’est encore mieux évidemment…

S-3 : L’ATTENTE

Le mois d’Août est signe d’apparition de douleurs (somatisation ou pas ? Éternelle question 😉 ), j’ai donc baissé le volume des sorties plus que prévu par peur de réveiller ma tendinite. Ce mois d’Août fut d’ailleurs le plus difficile à vivre, je ne sais pas pour vous mais moi, ma hantise lorsque une course importante arrive, est de ne pas pouvoir y participer. Entre blessures, angines et gastros qui trainent, je me transforme en parfait hypocondriaque (Michel Drucker si tu me lis)… Cette fameuse attente use psychologiquement, c’est pas très malin… Arrive la semaine cruciale, mes petites femmes qui ne peuvent venir à cause de rentrée scolaire le lundi matin vont me suivre à fond sur le livetrail ou sur MB live. Après un échange de bracelets que je porterai pendant la course , je pars donc seul le mercredi matin direction Chamonix. J’y retrouve le jeudi Jimmy avec sa compagne Lucie et les parents de Jimmy. Je dormirai sur le cliclac de l’appart qu’ils ont loué à 500m de la ligne de départ (idéal pour la logistique d’avant course). Le jeudi aprèm, la mission est de récuperer le dossard et le fameux bracelet rouge (synonyme de laisser passer). L’organisation est super bien rodée, aucune attente…

Le laisser passer…

Le jeudi soir nous mangeons tous ensemble au restaurant « la poèle », l’ambiance est chaleureuse, assiette de pâtes pour moi et Jimmy, je me promets de revenir dimanche soir pour me « taper » une bonne tartiflette…La nuit s’annonce difficile, donc tranquillement je prépare mon sac avant de me coucher, cela permet de me détendre.

H-10 : LE CALME

Vendredi 30 Août c’est le jour J, étonnamment on se sent mieux avec Jimmy, plus détendus, on passe la matinée à faire et défaire et refaire nos sacs tranquillement, liste de matériel obligatoire à respecter (ci-joint un article de Vincent Gaudin qui peut vous être utile : https://www.journaldutrail.com/materiel-utmb.html). La météo s’annonce clémente donc l’organisation nous dispense des kits grand froid et canicule, c’est ça de moins à porter. A 11h j’ai fini pour la 3ième fois mon sac😥, donc je pars faire les boutiques dans Chamonix. Il y a un monde fou, les traileurs ou touristes venus du monde entier créent une atmosphère « d’évènement planétaire ».

L’effervescence de Chamonix
L’Arve et sa couleur glacière…

Retour à l’appart pour manger une assiette de pâtes jambon, sans se gaver, puis petite sieste de 13h30 à 14h30 dans le canap. Ce moment est assez solennel car c’est le calme avant la tempête, je suis pourtant assez détendu, je reçois déjà plein d’encouragements, des collègues (merci pour la photo 😉 ) des amis, de la famille, c’est réconfortant et en même tant ça vous colle une sacré pression… « Faut pas se planter 20/20, tu emmerdes tout le monde avec ça à longueur de journée, c’est pas le moment de craquer… »

H-2 : LE DEPART

15h, on décolle de l’appart avec Jimmy et Lucie, pour aller porter nos sacs d’allègements que l’on retrouvera à Courmayeur au km 80, normalement le samedi matin. Ces sacs sont importants car ils permettent de se remettre au sec, au propre (j’emmène des lingettes , dentifrice…) et une nouvelle course redémarre après en règle générale…On arrive sur la place du triangle vers 16h, un peu de monde mais je m’attendais à plus, tant mieux. on se pose à l’écart, à l’ombre. 3 contrôleurs UTMB en profitent pour venir me contrôler, façon douane française, il faut montrer « patte blanche » sous peine de sanctions, voir de disqualification. Ca ne me dérange pas, je joue le jeu, et j’aide même les contrôleurs à contrôler un coureur chinois qui ne comprend pas la manip, en gros il faut prouver que l’on a tout le matériel obligatoire, donc tout défaire encore une fois argh :… l’avantage est que j’ai une pastille de collée sur mon dossard qui atteste du contrôle, je serais tranquille pour le reste de la course.

A 17h un orage à la bonne idée de participer à la fête ,il se met à tomber dru sur la ligne, avec Jimmy on se met à l’abri, sous un porche avec des coureurs… Normands 😉 Bin oui c’est pas parce qu’on est normand qu’on aime la pluie…17h30 on se colle au sein du peloton, la pluie a cessé, l’ambiance devient beaucoup plus lourde, les visages se ferment, à part quelques coureurs ibériques ou grecques qui font style « même pas peur suis super détendu…mouaip c’est cela ». Discours de Catherine Poletti, la directrice de course, elle annonce une météo clémente, jusqu’à dimanche midi, la suite prouvera que les meilleurs modèles météo ne peuvent prévoir un orage de montagne. 17h50, je suis excité, heureux, effrayé, une émotion à la seconde, une vraie toupie, le cœur tape lorsque la musique de Vangélis raisonne, « j’vais crevé sur la ligne de départ bordel !! », non Sylvain c’est que du bonheur, 2 min, 1 min, 30 secondes, c’est énorme, quelle sensation de folie, avec Jimmy on se tape dans les mains, GOOOOOOO !!!

C’est parti, il y a un monde de fou, impossible de voir Lucie et les parents, des milliers de personnes, c’est juste énorme, j’entends des « allez Sylvain, allez Jimmy », on savoure, que ça fait du bien d’être parti enfin…

Chamonix km 0 => Saint Gervais km 21

Avec Jimmy, on ne s’est pas donné de consigne, juste que l’on serait trop content de faire la course ensemble, mais si l’un de nous deux est bien, il part devant, no problémo… Les 10 premier km sont roulants, du monde partout, le chemin est large, personne ne se gêne c’est cool, d’ailleurs malgré les 2600 coureurs au départ, je ne serais jamais gêné dans la course, top !! On court à 10/11 km/h, on essaye de ne pas se faire aspirer par cette énergie, ce serpent de coureurs, qui pourrait nous pomper pas mal de force pour la suite, mais c’est dur de résister, tellement j’ai envie de courir. Les feux sont au vert pour moi, pas de gène ou de douleur précoce, c’est top, je peux me détendre et me concentrer sur ma respiration, je suis heureux comme un gamin (comme sur toutes mes courses, je sais…). Au bout de 8 km on attaque la première montée du Delevret, c’est du terrain carrossable, large, je monte au pas. Les bâtons sur une telle course sont vraiment précieux au contraire de terrains plus techniques comme la Corse. En effet les montées sont régulières et longues, donc je les attaque en mode rando sportive, surtout ne pas se mettre dans le rouge car tu le payes forcément 20km après, je suis pas sur semi. Je trouve un rythme rapide mais contrôlé et je m’efforce de le garder jusqu’au sommet. La descente vers Saint Gervais est tout de même assez raide, je sens que mes quadris de normands vont bien morfler ce week-end. J’allume la frontale juste avant Saint Gervais (merci Gaël pour le prêt de la Nao 👍7h30 d’autonomie).

Dans la montée du Delevret

Saint Gervais km 21 => Les Contamines km 31

Saint Gervais est en ébullition, une boucle d’enfer à travers le village chauffé à blanc par des supporteurs géniaux, c’est vraiment top cette ambiance de « tour de France » !! Etonnement c’est sur le tronçon suivant où j’ai un coup de moins bien, l’effet euphorisant du départ n’est plus là, maintenant il faut faire le boulot. Jimmy est bien, il court devant, je vais essayer de gérer au mieux ces 10 km, en ralentissant l’allure, il faut que mon corps s’habitue à être en mouvement, ça va le faire, je ne panique pas trop…

Les Contamines km 31 => Lac Combal km 68

Les choses sérieuses commencent à la sortie des Contamines, une belle patate de 1400m doit nous emmener au col du Bonhomme. La nuit est tombée, mon petit coup de moins bien est passé mais je préfère laisser partir Jimmy, il a des jambes de feu…Je me mets dans ma bulle, je place les écouteurs (ACDC, Renaud, Muse, Marc Lavoine, capitaine Flam 😂 tout y passe) et monte en ayant que mon faisceau de lumière comme horizon… J’arrive au ravito de la Balme (mi route vers le sommet) plus vite que prévu. Eh là surprise Jimmy est là, c’est à son tour d’être moins bien, il a cassé un baton, la poisse, il prend son temps, je repars vers le sommet en espérant le retrouver en haut. La suite est plus sauvage et sinueuse, j’aime ce style de chemins, en haut je retrouve Jimmy qui repart comme un lapin. C’est cool car pour le moment on arrive à faire la course chacun à son rythme mais on se retrouve chaque fois aux ravitos. La descente vers les Chapieux est un gros trou noir, je ne m’en rappelle absolument pas, sans doute mon cerveau en mode automatique n’a pas enregistré les images, bon d’un autre coté il faisait nuit donc pas grand chose à raconter…Sortie du Ravito des Chapieux, on s’élance pour 17km avec une belle montée vers le col de la Seigne. Jimmy repart devant, je ne tiens pas son rythme en montée, le vent et le froid commencent à bien nous piquer, je suis obligé de mettre la veste, j’ai la pêche car je sais qu’en haut du col le jour va se lever, synonyme de retour dans le monde des vivants dans mon petit cerveau…

Passage en Italie 🇮🇹 !!

Avant d’atteindre le Lac Combal, il faut effectuer une descente de 300m pour ensuite remonter vers les Pyramides Calcaires. J’attaque la descente et là mauvaise surprise !! Une douleur sur le coté externe du genou, le fameux fascia lata, punaise j’y crois pas !! pas maintenant, pas déjà, pourtant j’ai mes genouillères, c’est quoi ce bordel argghh… je me reprends et essaie de faire abstraction de cette mauvaise nouvelle, je ferai le point à Courmayeur. Heureusement la montée des Pyramides qui suit est juste géniale, c’est minéral à souhait, sauvage, j’adore, un de mes endroits préférés de la course.

La montée des Pyramides Calcaires
Levé du soleil en Italie…ouaouh
Toujours impressionnant le ballet des hélicoptères de l’assistance

S’ensuit la descente vers le Lac Combal, technique, ça tombe bien car la tendinite de l’essuie glace est surtout douloureuse dans les descentes très roulantes (phénomène de répétition du mouvement à la même fréquence). Jimmy doit être loin devant, quoique j’ai bien attaqué la dernière heure. J’arrive enfin au ravito, souvenir de la TDS où l’on y passe en sens inverse. J’y retrouve Jimmy avec plaisir, il a quelques soucis de ventre, ça tombe bien j’ai du Spafon et Gaviscon au cas où. On ne s’attarde pas trop car on préfère s’octroyer une bonne pause à Courmayeur où Lucie et les parents de Jimmy nous attendent. Mine de rien cela fait déjà 68km, et ça va pas mal pour l’instant. Les 2 photos que vous voyez ci-dessous illustrent parfaitement la beauté des lieux et l’atmosphère apaisante du levée du jour avec la brume, juste magique…

Lac Combal (crédits : Vincent Gaudin)
Une belle journée qui s’annonce (crédits : Vincent Gaudin)

Lac Combal km 68 => Courmayeur km 81

Direction Courmayeur, synonyme de mi-course et surtout d’un peu de repos. Avant de l’atteindre, il faut monter en haut du Mont Favre, Jimmy part devant comme depuis le début, moi je ne peux le suivre car je suis à chaque fois pris de cours au niveau du souffle, je respire comme un bœuf en surpoids 🐄, la classe….Heureusement le chemin est un « single » étroit où il est très dur de doubler donc je me cale par confort derrière un peloton d’une dizaine de coureurs, l’allure me va bien. Arrivé en haut le spectacle est grandiose avec une vue sur les 4000m, fantastique !! Allez … plus qu’une descente de 1300m et c’est le moment de répit tant attendu… J’y vais tranquille pour ne pas titiller le genou, après le col Chécrouit, le chemin est une enfilade de lacets dans la forêt, c’est beau mais c’est dur, je peine mais tiens bon…arrive enfin Courmayeur.

Sommet du Mont Favre
Les secours au cas où…

Le Ravito se situe dans un Gymnase, l’orga est monstrueuse, le côté moins drôle est le positionnement un peu trop stricte à mon goût des bénévoles Italien. Ils ne rigolent pas trop nos copains frontaliers. Pour ce ravito je me suis fixé 40 min de pause (on prendra 50min en réalité). C’est assez réglé dans ma tête, remplissage des gourdes, manger des pâtes (y à des bolos top 😋🍝), changer les chaussettes, « Noker » les pieds, les fesses eh oui pas classe mais ça brule pas sous la douche après, expérience, expérience !! Surtout changer les batteries des lampes, car une deuxième nuit nous attend, et enfin changer les tee shirts…je m’apercois que j’ai mis mes genouilleres à l’envers, quel niais je suis, d’où l’apparition de ma tendinite… je rectifie et je n’en entendrais plus parler jusqu’au bout. Un grand merci à Lucie et aux parents de Jimmy pour leur assistance, c’était réconfortant.

Ambiance…Beaucoup d’abandons déjà à cet arrêt

Courmayeur km 81 => Arnouvaz km 98

C’est parti requinqué à neuf !! Après un bisou à nos accompagnateurs (des personnes que je ne connaissais pas 48h avant et avec qui je me sens proche, la magie de l’Ultra !! Ils sont tellement à nos petits soins, c’est émouvant). Avec Jimmy on discute en sortant de Courmayeur, c’est cool, on est heureux de vivre cette aventure, on a de la chance et on s’en rend compte. Retour aux choses sérieuses, on attaque une montée jusqu’au refuge Bertone qui va littéralement me sécher sur place, Jimmy part devant (comment fait-il, il est fort le bougre !!). Je me place dans les traces d’un chinois, qui monte à mon rythme, je prends cher dans cet effort, le but est de monter sans jamais s’arrêter car si par malheur tu t’arrêtes l’envie de se poser reviendra tous les 50 m. J’ai maintenant cette expérience donc je sers les dents. En réalité je vis mon gros passage à vide de la course, il en faut bien un, j’arrive au refuge Bertonne, décalqué !! Jimmy y est, il veut m’attendre mais je lui dis d’y aller, je ne suis pas bien et je prèfère me mettre dans ma bulle. C’est le moment de sortir la musique, entre Bertonne et le refuge Bonnati c’est de la petite relance, ça tombe bien je vais alterner course et marche, ça va revenir il faut y croire. Je cours sur un balcon avec en face de moi une vue sur les Grandes Jorasses, Epoustouflant comme décor !! J’appelle pas Soso, car je sais que je vais me mettre à chialer comme un gosse 😭, pas la peine de lui infliger ce spectacle, il faut être patient. J’arrive au refuge Bonatti, j’ai l’impression d’avoir traversé le désert, mais je sens que ça revient, la machine repart, petit coup de fil aux filles, j’explique mes mésaventures (sans pleurer, suis fort 😂), j’ai surmonté la tempête…De plus je viens d’accomplir un objectif course : voir le refuge Bonatti (du nom du célèbre alpiniste) qui me faisait rêver, je ne suis pas déçu.

Les balcons entre Bertone et Bonatti
Le refuge Bonatti, splendide, j’y reviendrai en rando avec Sophie

J’attaque direction Arnouvaz, ça y est j’ai à nouveau la grosse pêche !! Je double, je suis souple, j’ai l’impression d’avoir pris un shoot d’adrénaline, sans doute l’effet d’avoir surmonté ce passage à vide. Une chose qui m’amuse sur cette course est de regarder les drapeaux sur les dossards, d’essayer de deviner la nationalité, c’est tout bonnement hallucinant cette diversité, des Chiliens, Hongkongais, Russes, Boliviens, Népalais, Canadien … une centaine de nationalités, ça m’éclate car on retrouve souvent dans leurs comportements une image de leur culture, avec des asiatiques très minutieux et vétus à la dernière mode ou des ibères exubérants, des américains très minimalistes etc …

Arnouvaz km 98 => Champex-lac km 126

J’arrive à Arnouvaz, Jimmy fait une sieste sous la surveillance de Lucie. Elle me propose de me surveiller pendant que moi aussi je dors 10 min, j’accepte volontiers. Quel confort de pouvoir se relâcher totalement l’esprit. Je pars complétement et Lucie me réveille, je suis groggy mais bien. Cela sera mon seul dodo sur les 42h30 de course… On repart avec Jimmy, je commence à être de mieux en mieux dans cette course, d’ailleurs je vais monter le Grand Col Ferret avec Jimmy, c’est bon signe.

Dodo…
Montée du Grand Col Ferret
Un grand moment, le passage en Suisse 🇨🇭 !!

Arrive le tournant de notre course !! Au sommet du grand Col Ferret nous attend une longue descente vers La Fouly. On attaque tambours battants, on double, c’est grisant d’avoir 110 bornes et presque 7000m de D+ dans les papattes et pourtant d’attaquer comme des petits bouquetins ce sentier. Cependant l’euphorie va vite redescendre, en effet sur notre gauche un nuage noir menace la vallée où nous sommes, quelques gouttes tombent, nous décidons de mettre la veste de pluie. Pourtant l’orga n’avait pas prévu de pluie ce samedi, donc je suis confiant. On arrive dans une ferme à La Peule, un petit coup d’eau et on repart, et là arrive ce que je redoutais, un orage, un vrai, un violent ⛈⛈⛈ … Des trombes d’eau s’abattent sur nous en l’espace de quelques secondes, suivi d’éclairs et de coups de tonnerre d’une telle violence (la caisse de résonance formée par la montagne amplifie ce phénomène). En l’espace de 5 min, on passe dans une autre dimension, les chemins se transforment en ruisseaux, la pluie se transforme en grêle, et j’ai pour la première fois peur en course, car les éclairs nous tombent dessus, avec les bâtons nous faisons office de jolis points d’entrées vers la terre. Nous sommes une dizaine de coureurs, en regardant ce spectacle j’ai l’impression que nous sommes des petits lapins 🐇 qui courent dans un champs sous les coups de fusils d’un chasseur…A la sortie d’un virage un coureur hurle de stopper, 30 mètres devant nous une coulée de boue et de cailloux passe et nous coupe le chemin, j’hallucine 🤤. Avec Jimmy, on se concerte et on décide de passer, le moindre faux pas et on se retrouve 1000m plus bas…On aide une coureuse asiatique un peu perdue à passer, ensuite on décide de descendre se mettre à l’abri à la Fouly, encore 800m de D-. Ma veste étanche a tenu 5 min, quelle M…. me dis je à ce moment là !!! La descente est dantesque, dans un virage je perds appui et me fracasse la tête sur le sol, Jimmy m’aide à me relever, je suis couvert de boue, heureusement c’était de l’herbe moelleuse sinon c’était réglé pour moi. On arrive tant bien que mal au ravito, nous sommes sous le choc, en hypothermie, on pense à ce moment là que la course va être stoppée…

L’orage monte…

Pourtant les coureurs dans le ravito sont au sec, l’orage était très localisé, cependant les personnes bloquées à La Peule seront redescendues en Hélicoptères. Je regarde l’état de mes changes, il y a du dégat, le pire est que ma veste de pluie est complétement trempée. Avec Jimmy nous décidons d’arrêter, nous ne nous voyons pas repartir de nuit en montagne et passer 3 cols avec des vêtements trempés. Nous avons sorti les couvertures de survie, à ce moment là je suis déçu mais pas plus que ça car j’ai l’impression que ma limite a été dépassée (l’expérience qui suit prouvera que notre manque de lucidité a failli nous coûter la course). Texto à Sophie « j’abandonne »… L’organisation autorise exceptionnellement les coureurs à recevoir des vêtements de l’extérieur. Nous, malheureusement personne n’est là car nous avons donné rdv à Lucie à Champex-Lac 23km plus loin. Nous restons 1h sur place à grelotter, choqués et abattus, puis nous demandons à l’orga où sont les navettes pour le rapatriement. La fille de Madame Poletti, la directrice de course vient nous parler, et là elle nous annonce que le seul pont qui relie la ville par la route a été emporté, j’hallucine 😲 !! On est bloqué là toute la nuit, sans change sans possibilité de venir nous chercher… Une autre solution s’offre à nous, continuer 7 km sur le parcours et rejoindre Praz le Fort où des navettes seront présentes. On a pas le choix, on choisit cette option, la directrice super compréhensive nous remet en course, elle me dit : « allez y, on ne sait jamais 😉 ». On repart donc avec Jimmy, transis de froid, couvertures de survie sur les épaules, nous sommes complètement paumés, puis au bout de 3 ou 4 km, nos corps se réchauffent. Et si on allait au moins jusqu’à Champex-Lac rejoindre notre assistance ?? Et si on finissait cette satanée course ensemble !!?? Moments magiques, je vous assure, à jamais gravés en moi !! Texto à Sophie « je repars, on va finir ». On commence à reprendre goût à la course, on se remet à doubler les concurrents, la vision de l’abandon nous ayant effleuré cela décuple maintenant notre envie de finir, quelle folie, quelle traversée de sentiments contraires, je n’ai jamais vécu cela. Nous somme maintenant dans la montée vers Champex-Lac, à ce moment là nous sommes indestructibles 💪 et on arrive au ravito où nous attendent Lucie et ses parents…Quelle aventure !!!

Champex-lac km 126 => Vallorcines km 153

On repart de Champex pour une longue nuit, le programme est simple jusqu’à Chamonix : 3 montées de 900m chacune à la suite. Un peu l’impression de faire le hamster surtout de nuit. La première côte est La Giète, elle est difficile, pas mal de cailloux, de lits de rivières à traverser. On arrive en haut à 3 heures du matin, le temps n’a plus d’emprise sur nous, c’est un peu irréel. Les hallucinations sont là, l’impression que des gens me regardent alors que nous sommes seuls, chaque branche ou caillou est associé par mon cerveau à une forme, c’est bizarre mais pas inquiétant. En haut de la côte alors qu’on marche sur la crête je commence à tituber, je fais signe à Jimmy, faut que je m’assois. Je mange tout ce que j’ai sur moi, une banane, une barre de céréales, une pompotte…5 minutes après c’est reparti tranquillement, le coup de barre est passé, on attaque bien la descente, direction le ravito de Trient.

Ravito de Trient, Jimmy réfléchit 😂

C’est rigolo car nous faisons un peu la balance avec Jimmy, quand je suis mal il est bien et vice versa. Il commence à accuser le coup mais rien de méchant pour l’instant. Un petit repos à Trient et c’est parti pour la 2ième patate. Faut être costaud dans la tête à ce moment là, c’est super d’être 2. La montée se passe super bien, je suis de mieux en mieux la prépa paye. Passage au sommet au lieu dit Les Tseppes, on ne s’arrête pas et on attaque la descente. Je suis content car cette descente est synonyme de retour en France, yes !!

Vallorcines km 153 => Chamonix km 171

Le ravito de Vallorcines est en vue, 150 bornes de fait, on en revient pas !! Il fait jour, ça sent vraiment bon l’écurie. Jimmy voit le médecin pour un problème de ventre, on ne veut pas trop s’attarder, Lucie arrive de justesse pour nous voir, les bus ont pris un peu de retard. Faut finir le boulot, je suis chaud, je me découvre une âme d’Ultra Ultra Trailers lol !! On repart pour la dernière 🏔 …

Un peu marqués les garçons …

Le col des Montets est une formalité, s’ensuit la montée vers la tête au vent, il fait chaud, le soleil se lève, et là on prend une grosse claque, la montée est un mur de 600 m, des cailloux haut de 60 cm environ, une torture, c’est super dur même en sachant que c’est la dernière. Jimmy prends un gros coup de moins bien, son manque de prépa due à sa tendinite se paye maintenant, c’est une souffrance… Tant bien que mal il arrive en haut, je me mets devant pour lui servir de poisson pilote, je l’encourage, il assure comme il peut, les batteries sont HS. On arrive au dernier ravito de La Flegère avant l’arrivée, Chamonix est en bas à 7 km, ce moment qui se devrait être euphorique et plutôt flippant. Jimmy s’assoit il est au bord du malaise, une belle hypo et un coup de fatigue. On s’enquit des conseils du médecin, il faut qu’il fasse une sieste d’1/2 heure et normalement il pourra finir la course. On se met d’accord, je finis la course et je l’attends en bas avec Lucie et ses parents et une bonne bière 🍺 , c’est un petit crève coeur de le laisser là mais c’est plus raisonnable.

Chamonix en bas !!

Je repars pour les 7 derniers kilomètres, je double pas mal de coureurs mal en point. Au fur et à mesure de la descente, il y a des gens qui se baladent et applaudissent, je commence à prendre la mesure de l’évènement. Arrive la passerelle en métal, puis j’attaque le dernier kilomètre, de plus en plus de monde, un bénévole m’attrape et me dit « profite de ce moment, il est à toi !! », arrive enfin les rues de Chamonix, des centaines de personnes sont là (pas pour moi, il est midi tout le monde est à l’apéro 😂🍺), je tape dans les mains des enfants, c’est énorme, je ne pleurs pas, je me retiens, c’est fort, j’ai une pensée pour mon papa disparu il y a 4 ans. Lucie et les parents de Jimmy sont là, c’est génial, je les rassure sur Jimmy, on va l’attendre pour boire une bonne bière ensemble. Je finis en 42h32 cette aventure. Jimmy arrive 1 heure après, il est beaucoup mieux, on se tombe dans les bras, énorme, c’était magique 🤩🤩🤩!!!

🍺🍺🍺…

Voila, c’est fini, j’y retournerai c’est sûr, pour essayer de passer sous les 40 heures peut-être, un joli défi 😉 biz à tous et à bientôt sur les chemins…

4 commentaires sur “2019/08 Récit : UTMB 2019 l’aventure intérieure

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  1. Bravo sylvain pour cette leçon de goût de l’effort, tu cours aussi bien que tu écris. J’ai passé le lien de ton blog à 2 de mes fils et ils ont vraiment aimé te lire. Respect pour ta superbe course. Ludo

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